Réductionnisme et scientisme au XXIè siècle
Nouveaux objets, nouvelles théories, nouveaux malentendus
15 octobre 2024 — 9h30 - 16h30
Université Paris Dauphine, Salle A709
Présentation
Ce séminaire propose un espace de discussion autour des nouvelles formes de réductionnisme et de scientisme identifiables dans les théories scientifiques contemporaines, que le succès dans des applications technologiques rend parfois incontestables. Différents thèmes seront abordés, concernant l’IA, la biologie et les SHS. On discutera également de l’omniprésence des arguments scientifiques dans le monde social et politique.
Le séminaire s’organisera sous forme d’interventions courtes (de 20 à 30 minutes) et de discussions autour de ces présentations. Il est ouvert à toute personne intéressée à comprendre les limites que les scientifiques peuvent recommander à leur champ d’activité, mais aussi à percevoir le potentiel de créativité de la démarche scientifique.
Les participants pourront concevoir dans le même temps une suite à ces rencontres.
Inscription très vivement recommandée pour aider à l’organisation.
Réservation, informations, contact : juliette.rouchier@dauphine.fr
Programme
9h00-9h30 | Accueil café |
9h30 – 10h00 |
Discussion introductive autour des notions abordées dans la journée. Une approche participative des définitions pour établir des bases communes en contexte d’interdisciplinarité. |
10h00 – 10h45 |
Imitation vs modèle, discret vs continu Giuseppe Longo – CNRS et École Normale Supérieure Ulm. https://www.di.ens.fr/users/longo/ On se réfère ici à la terminologie d’Alan Turing (1950-52) : un modèle explicite des corrélations causales, une imitation en s'y engage pas. On souhaite appliquer cette idée à la question de la représentation discrète du monde par l’informatique. Ainsi, la structure causale d'une théorie physique est encadrée par des symétries continues (les principes de conservation). Ces symétries se donnent dans des espaces dimensionnels dont les représentations mathématiques sont "sensibles au codage". Or, à l’inverse, dans le monde du discret computationnel, tout est codé et transformé dans des mondes abstraits insensibles aux dimensions physiques et au codage. Que peut-on dire de ces imitations computationnelles, si habituelles et quotidiennes qu’elles feraient croire qu’elles sont réelles ? Référence : https://www.di.ens.fr/users/longo/files/Letter-to-Turing.pdf |
10h45-11h30 |
Le cyber-réductionnisme en question : renoncer, succomber ou refonder ? Samuel Tronçon – Ananke, Resurgence https://samuel.troncon.name/ Dernier avatar de la modernité, l'IA participe de tous les fantasmes quant au nouveau monde qui vient. Ce qu’on appelle aujourd’hui « IA » n’était auparavant qu’un vaste domaine d’ingéniérie interdisciplinaire, éclaté en différentes branches ne se réclamant pas toutes du projet de construire des « intelligences » dites « artificielles ». Avec la phase 3 de l'IA, les frontières se sont brouillées, conduisant à un révisionnisme épistémologique par lequel tous les domaines ayant influencé l’IA en sont devenus des sous-composantes. Pour autant, le fait le plus important à observer c’est que l'IA est sortie du giron de la science pour devenir un complexe techno-socio-culturel. Et il est donc urgent de se demander « que faisons-nous vraiment ? », pour contrer le narratif prométhéen du « où allons-nous ? ». Nous présenterons une analyse critique de l’IA en tant que concept et en tant que projet. Puis, nous montrerons que d’autres fondements mathématiques et philosophiques permettent d’envisager une pensée scientifique des systèmes complexes dit « intelligents ». |
11h30 – 12h15 |
Plasticité et historicité dans les dynamiques différentielles Alessandro Sarti – CNRS et EHESS Paris https://savoirs.ens.fr/conferencier.php?id=3661 Nous nous intéressons au devenir des formes en tant qu'intégration de problèmes différentiels. Dans cette intervention, on discutera le passage de la dynamique physique et structurelle à la dynamique hétérogenétique. Contrairement aux dynamiques physiques où l'espace de possibilité est fixé a priori et aux dynamiques structurelles où il devient un espace de contrôle, dans l'hétérogenèse l'espace de possibilité est créé de manière immanente. On pourrait définir l'hétérogenèse comme l'ensemble des dynamiques d'une écologie de l'immanence, en ce qu'on sort de l'automatisme de la physique et du contrôle structurel quand on accède à l'axe de l'historicité de la dynamique. La libération de l'automatisme réside précisément dans la capacité de composition d'éléments différentiels et de forces sur cet axe. C'est l'axe de la phylogenèse dans l'évolution des espèces, de l'invention des concepts dans les processus imaginatifs, de la composition des multitudes dans les dynamiques sociales. Des exemples d'hétérogenèse dans les neurosciences cognitives seront présentés. |
12h15-14h00 |
Discussion Générale Déjeuner |
14h-14h45 |
Les analyses évolutionnaires et probabilistes comme dépolitisation ? Franck Varenne - Université de Rouen, membre du ERIAC https://eriac.univ-rouen.fr/author/franck-varenne/ Certaines approches biologico-énergétistes et évolutionnaires visent à expliquer le monopole de l'espèce humaine sur Terre auquel nous sommes arrivés. D’autres, qu’on peut qualifier de géographico-possibiliste (pour ne pas dire déterministe) proposent une lecture de long terme de l'histoire des guerres, des échanges, des sciences, des techniques et donc du capitalisme et de l'économie moderne. On peut s’interroger sur le statut scientifique et politique de telles théories. Ne sont-elles qu'une autre forme de dépolitisation et de déresponsabilisation des occidentaux ou proposent-elles des lectures novatrices importantes ? S'agirait-il, dans les deux cas, de formes nouvelles de scientismes/réductionnismes inter-niveaux ou de nouvelles explorations transdisciplinaires légitimes ? |
14h-14h45 |
Complexité vs réductionnisme : sortir d’une opposition simpliste ? Juliette Rouchier – LAMSADE, CNRS, PSL (Université Paris-Dauphine) https://www.lamsade.dauphine.fr/~jrouchier/homepage.htm Depuis les années 1990 la notion de complexité est devenue centrale dans les sciences de la nature, en particulier l’écologie, et s’est développée dans certaines sciences sociales comme l’économie. Des outils ont été développés pour modéliser cette complexité, mais il est notable que la logique déterminisme simple, basée sur une causalité mono-factorielle, reste la norme dans la pensée, même savante. Ainsi, la réduction est nécessaire lors de la modélisation, et il est très rare que des résultats réellement complexes soient exprimés. Cela peut s’expliquer par la difficulté à se représenter mentalement les interactions multiples et la dynamique des rétroactions, qui permettrait de passer d’une vision de la causalité à une co-occurrence ou un espace de contraintes. On discutera, à travers de quelques exemples, d’améliorations à apporter dans la présentation de phénomènes complexes et de contextes dans lesquels les aller-retours entre réduction et re-complexification peuvent être fructueux. |